Gerupuk, c’est à quatre heures de route de Bangsal. Ne croyez pas Google map qui, n’ayant jamais conduit à Lombok, indique gentiment une petite heure et demie. Quatre heures de route, une succession de virages à n’en plus finir, des singes à éviter, un déluge à faire pâlir Noé sans compter les enfants préférants terminer leur shampoing sous la pluie plutôt que d’éviter les embardées du taxi. Bref, j’ai cru mourir trois fois puis je me suis endormie. J m’a soufflé « on y est, réveille toi » au moment où le chauffeur quittait la voie principale pour s’engager avec confiance sur une autoroute en construction. Ce qui est bien en Indonésie et encore plus à Lombok, c’est que tout est normal. Aussi bien rouler à 80 entre les engins de chantier que de se faire un festin de mahi mahi grillé avant d’aller surfer.
L’un comme l’autre sont inoubliables. La papillote de poisson comme la session. J’avoue que le premier ne m’a pas beaucoup aidé à flotter mais c’est surement le meilleurs plat que j’ai gouté à Lombok. Comme le chat, quand je finis mon repas, j’ai une fâcheuse tendance à me lécher les doigts et à somnoler. Tout ce dont je me souviens ensuite c’est d’avoir vaguement discuté avec un couple de surfeurs. D’avoir acquiescé mollement à propos des conditions (les vagues sont parfaites, allez-y) et d’avoir indistinctement entendu J partir négocier un bateau (250KR pour le bateau, deux planches et un guide? ok). Cinq minutes plus tard, j’avais le nez au vent, un lycra sur le dos et un longboard dans les bras.
Petit topo géographique. La baie de Gerupuk fait 6km, se situe vaguement à l’est de Kuta et offre quatre spots surfable toute l’année. Inside est au top à marée montante et les tubes se forment sans s’arrêter. Kid’s point est l’endroit où se retrouver quand la houle est trop grosse en mer. Dun Dun est une gauche qui se met à fonctionner avec peu de conditions. Enfin, Outside est le site où les vagues déroulent vite et fort. Trop et trop de chaque pour mon petit niveau.
On a dit à notre nouveau copain le marin qu’on était débutants. Il nous a répondu « ok Dun Dun, c’est facile ». Ça va, on était rassuré. Dix minutes après, on était au pied des vagues à ramer et je me rappelle très bien avoir vu ma sérénité s’envoler. Beaucoup de monde sur le spot. Beaucoup de pro aussi. On se place, ça avance vite, je décolle et plante l’avant d’une façon tout à fait esthétique. Une tonne d’eau me passe dessus et je me remémore avec nostalgie les cours de gymnastique; en boule, ça roule. J’attends donc que la mousse passe. Dix secondes s’écoulent à partir du moment où j’ai sorti la tête de l’eau. Une deuxième vague s’écrase. C’est dur. A la troisième, je désespère (un peu) mais je continue à avancer vers le coté pour remonter. Le mahi mahi ballotte dans mon ventre mais je l’oublie et rame pour ma survie.
Je souffle, il fait chaud et mon coeur ne sait plus trop sur quel rythme battre. Pas grave, c’est la pause alors je profite de la vue. Le gunung Rinjani entouré des sommets de la vallée d’un coté et à l’opposé, le soleil partant se coucher. J’en prends plein la vue. Deux minutes et c’est le moment d’y retourner. Pas de barre à passer, il suffit juste de bien se placer. Encore une fois ça monte, je rame, ça glisse. La sensation d’être au bon moment, au bon endroit est parfaite. Comme si pendant une courte seconde, on se trouvait en phase avec les éléments. De mon point de vue, ce n’était pas plus drôle que la première fois alors je passe allègrement sur le passage dans la machine à laver qui m’attendait au bout de chemin.
Cette fois pas de playlist pour le retour du surf mais plutôt le coucher de soleil sur les montagnes. Le clapotis des vagues sur la coque effilée du bateau et la promesse d’une longue nuit à la campagne.