A chaque fois, j’oublie vite, bien et pas toujours ce qu’il faut. Jusque là, ça va, rien d’important; mon code de carte bancaire, ma place de parking ou les clés de la moto sur le rocher devant la mer. Pourtant, certains instants se retrouvent gravés dans ma mémoire comme autant d’épisodes marquants. Je ne les choisis pas, ils s’y mettent eux même et y restent comme s’ils étaient un peu vivants. Les éléphants du Tier Park de Berlin ne m’ont pas vraiment marqués. Ils étaient mignons, jolis et très gris. Et mouillés aussi mais de cette journée j’ai surtout retenu les pandas roux. Deux semaines plus tard, je me suis retrouvée à pédaler au milieux d’un troupeau d’éléphants en banlieue d’Ayuthaya. Et là, impossible de l’oublier.
Ceux-là avaient de longues défenses toutes blanches. De petites tâches roses sur la tête et un immense pyjama gris. Ils avançaient d’un pas nonchalant, silencieux et presque léger. Ils n’ont pas de sabots alors quand ils marchent, c’est comme s’ils avaient mis des chaussons. A ce moment là, j’avoue, je me suis un peu sentie coupable d’être rentrée en chaussures avec mon vélo dans leur maison. Puis un de ceux qui passaient tout près m’a fait un clin d’oeil comme pour dire « ça va toi, tu te gênes pas mais on est pas trop regardants alors fait comme chez toi et prends un fauteuil ». J m’a dit qu’il clignait de l’oeil pour chasser une mouche. Pfff le naïf.
Il était à peine 8 heures. Il faisait déjà trop chaud mais on est resté au milieu de la cour poussiéreuse, un peu ébahi, légèrement bouche bée à regarder le balai harmonieux des éléphants. On avait pédalé un peu plus de 30 minutes vers le nord. D’abord le long de la rivière sur Uthong road puis traversé le bras de la rivière Muang et continué sur la route principale. C’est la route principale mais elle n’a pas de nom. Jusque là, pas d’inquiétude, c’est déjà bien qu’il y ait une route. Un kilomètre cinq plus loin, un chemin de terre conduit jusqu’au Kraal royal des éléphants. Impossible de les louper, ils sont grands et gris avec des oreilles comme des cerfs-volants et se voient depuis la route.
Ce n’est pas vraiment un centre touristique alors la visite est plutôt honnête, sans trucage ni floutage. D’ailleurs, il n’y a pas de guichet, pas de guide, pas vraiment d’explications et les 50 bahts à payer pour les photos sont partis rejoindre leurs semblables dans le soutien gorge de la gardienne donc pas de tickets souvenir non plus. Par contre, les éléphants sont libres, mangent des bananes 8 fois par jours et sont traités respectueusement par leur mahout (si si il faut discuter avec les volontaires qui sont un peu plus bavards mais tout est vrai dans ce que je raconte. Évidemment, voyons).
Bref, je me suis sentie l’âme de Mowgli pour le reste de la journée. Avec en plus un sourire jusqu’au bout du nez.