Ce sont les sièges immenses et tout doux qui m’ont d’abord fait aimer le théâtre je crois. Des sièges où je disparaissais facilement; connaissant ma petite taille à 7 ans, ce n’était pas étonnant. Des sièges qui s’offraient comme une parenthèse entre le monde et la scène. J’étais alors seule spectatrice des comédiens et de leurs fantastiques voix. J’étais celle qui n’écoutait que la moitié puis partait rêver mais à cet âge là, j’avais le droit.
Autre époque. Autre lieu.
Les rideaux s’ouvrent. C’est une pièce sombre. Un plancher noir comme souvent au théâtre et une absence de lumière au point que se mélangent même les ombres. Une voix résonne mais je ne trouve son origine nulle part. A l’opéra, la musique m’avait enchantée mais l’histoire… eh bien j’étais un peu passée à coté. Le nombre de personnages hauts en couleurs est surement le contrepoids d’une intrigue un peu légère. Ici, pas de musique et pour seule couleur, la jupe moutarde que porte l’actrice. Alors je me suis concentrée sur l’histoire.
C’étaient deux belles valises en cuir trouvées dans une poubelle verte. C’étaient deux valises pleines et tout ce qu’il restait d’une femme. C’était jeté là, à l’angle de cette rue déserte.
J’ai trouvé deux vies à la poubelle. Mais je crois que l’on ne devrait pas fouiller dans les affaires des autres. Ce ne sont pas nos affaires. Désolé.
Deux vies sont étalées devant mes yeux. Celle de David et celle de Dora. L’actrice est silencieuse et j’éprouve le désir d’imaginer avant même qu’elle ne commence à parler. Un livre, un calendrier, un carnet d’adresses, un rouge à lèvres et quelques bulletins de santé. Un journal intime également. Ces objets éparpillés résonnent comme un appel irrésistible à la curiosité et du récit nait une fascination intense. Mais une gêne aussi. La gêne d’entrer sans y avoir été invitée dans la vie de ce couple passé.
Alors on avance doucement. Timidement. On remonte à la naissance de Dora à Bruxelles, ces premiers pas à Paris, les rafles de Juifs pendant la guerre, la vie avec son frère, ses amours et ses amis. Elle n’était pas la plus sympathique c’est sur mais je m’étonne à m’attacher au fil de la pièce à ce personnage authentique.
Les sièges étaient doux mais je n’ai pas dormi. Je me suis plutôt appliquée à rêver éveillée et à me demander si l’on me jetterait un jour à la poubelle moi aussi. Si deux valises suffiraient à tout contenir. Le vélo n’y rentre déjà pas, c’est sur. Mon dressing non plus et je ne parle même pas des chaussures. Des livres, de ma clarinette, des sacs et de l’appareil à raclettes.
Alors j’ai ris puis j’ai pensé au trajet de retour dans le froid et à la recette du chocolat chaud numéro 3. Au fourmis, aux étoiles, au théâtre en général et un peu à la vie. Ah et aux planètes aussi.
Mais ça, c’est pour la prochaine fois.
source photo: hetpaleis.be